À travers rues
Les participant·es à l’atelier Reportage photo (automne 2023) explorent en une série d’images photographiques un rapport intime, social, politique ou esthétique à la rue – espace de vie à se réapproprier malgré le bal incessant du trafic automobile.
Exposition issue de l’atelier Reportage photo de l’Université de Genève, réalisée avec le concours de Stéphanie Argerich, Jörg Brockmann et Denis Ponté
Réflexions
La rue, lieu public, crée également des espaces d’intimités. Ces moments de vie
que les passant-es anonymes laissent dans les rues sont perdus dans l’espace et le
temps. On peut y trouver des réflexions privées, naviguant de l’enfance à la vieillesse,
de moments de solitude à des interactions imprévues, qui s’effacent et passent
inaperçues. Ce reportage capture quelques alignements et superpositions d’instants volés
à la rue.
Rita Bajrami
Attention! Piétons
En Suisse, selon l’OFS, chaque personne parcourrait environ 25’000 km par an,
dont près de 9’000 en avion. Les déplacements à pied sont les plus fréquents – 80% selon
des estimations – et, s’ils ne cumulent que 8% de la distance parcourue, ils
représentent tout de même près de 2’000 km par année, soit environ 5 km par jour.
Ces déplacements piétons ont lieu principalement en ville. Où l’on pourrait escompter
que tout soit fait pour les faciliter en offrant aux passant-es des espaces nombreux,
accessibles et sécurisés.
Enquête photographique sur le terrain de la ville de Genève: mes images ne conservent
visibles que les espaces strictement destinés aux piétons. Le constat dépasse toutes mes
désespérances. S’il s’adresse comme une injonction aux automobilistes, le titre,
ironique, de cette série vaut comme un avertissement aux piétons que nous sommes
tou·tes, tous les jours. Une ironie qui, jour après jour, fait place à un sourd
sentiment de découragement.
Ludovic Delavière
Osmose
Pour les danseur·euses hip-hop genevois·es, exploiter la rue comme lieu d’expression et
de création est significatif. Genève ne propose pas de lieu dédié uniquement au hiphop
et à sa communauté, il reste difficile de trouver des plateformes pour s’entraîner
librement et régulièrement. L’espace public y supplée si son utilisation est autorisée
et sans crainte de nuisances sonores. La rue est alors investie et prend la forme d’un
lieu d’expression libre.
Les textures, les constructions et les structures que l’on trouve dans la rue sont
autant de sources d’inspiration. Se crée une relation entre l’environnement et les
danseur·euses: l’imaginaire fuse, les corps se meuvent, une énergie intense explose et
entre en résonance avec les lignes et les perspectives architecturales. Ombres et
lumières jouent sur les surfaces vitrées.
Quatre lieux phares de la communauté hip-hop et breakdance de Genève ont servi d’ancrage
géographiqueà mon reportage photographique: le préau du cycle de Montbrillant, la Pointe
de la Jonction, l’esplanade du Grütli et le parc des Bastions. J’y distingue les formes
subtiles de correspondance entre les mouvements des danseur·euses et leur environnement.
Une osmose entre danse, rue et prise de vue photographique.
Laetitia Keller
Trêve de chantier
Dans nos villes, la rue semble en perpétuelle mutation. Divers travaux ouvrent ses sols
et rénovent les façades qui la dessine. Imposants comme minimes, ils entravent et
contraignent l’usage de cet espace public. En fin de journée ou à l’approche du
week-end, les chantiers se mettent en pause. Seuls quelques éléments laissés en place
attestent que le travail reprendra bientôt.
Dans le calme de ces trêves de chantier, les barrières incitent à de nouveaux
cheminements et la danse quotidienne des passantes et des passants se réinvente. On
s’arrête, on s’étonne, on contourne. On s’applique à faire abstraction de jalons jugés
inesthétiques mais probablement nécessaires. Bleues les obligations, barrés les
interdits, par les injonctions affichées naissent aussi quelques libertés éphémères.
Durant plusieurs mois, j’ai observé en vieille ville de Vevey l’errance de ces chantiers
suspendus. Sur fond de bandes rouges et blanches, ces décors transitoires sont le lieu
d’émergence de petits changements qui induiront peut-être de nouvelles habitudes. La rue
n’est alors pas une forme inerte et chacune de ses mutations est l’occasion de
s’approprier différemment cet espace commun.
Julien Pache
Vernissage: mardi 16 avril, 17h-18h
Uni Dufour, hall
- Vernissage en présence des photographes Rita Bajrami, Ludovic Delavière, Laetitia Keller, Julien Pache
- Performance hip hop de Aleyna Demir, Laetitia Keller, Clément Porquet
La Revue cinéma de l’Université – Dans la
rue sera distribuée lors du vernissage.
Pour télécharger ce numéro de la Revue, suivre ce lien.